Homélie Dimanche
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Textes : Deutéronome 8, 2- 3. 14b- 16a ; 1 Corinthiens 10, 16- 17 et Jean 6, 51- 58.

Chers frères et sœurs, Shaloom ! Nous célébrons le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Parmi les membres de son corps, Jésus a choisi quelques-uns et les a établis intendants de ses mystères ; Il les a rendus dignes d’offrir le sacrifice eucharistique pour la plus grande gloire de Dieu et le salut de l’humanité.

A cet égard, l’on ne peut pas célébrer ce grand mystère sans avoir une pensée pieuse pour ceux qui ont fait le don de leur vie pour l’eucharistie : Nous faisons allusion aux prêtres. Portons aussi, dans nos prières, ceux qui, en ce temps de terrible et terrifiante crise, en raison de l’héroïsme exigeant et naturel de leur ministère, ont dû affronter la rigueur de la pandémie jusqu’au sacrifice de leur vie.   Nous pensons particulièrement aux prêtres décédés de la Covid-19.  Puisse le Seigneur les recevoir dans son banquet céleste.

Nos pensées s’orientent aussi vers ceux qui, pour diverses raisons, ne peuvent participer au sacrifice eucharistique. Nous pensons aux malades, aux persécutés réduits à la clandestinité, aux découragés et aux révoltés, mais aussi à ceux qui croupissent sous le poids des sanctions. Que le Seigneur redonne aux uns davantage de zèle pastoral qu’aucune situation ne trouble ni n’ébranle, et réconforte les autres afin qu’ils ne cessent d’être pour le monde, les témoins vivant de la compassion et de la miséricorde divine.

Chers frères et sœurs, la première lecture s’ouvre par cette recommandation de Moïse au Peuple d’Israël : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite ». Cette formule très simple porte le poids du sens fondamental de notre foi. En effet, notre foi est intimement liée à la mémoire et au souvenir. Nous sommes un peuple insérer dans une tradition, un peuple de l’histoire, l’histoire du salut.

L’homme porte son histoire et son passé qui le constituent dans son être profond. Pour le cas du peuple hébreu, son histoire n’était pas complètement élogieuse ni totalement cousue d’heureux souvenirs. Elle était aussi très largement confectionnée avec le fils de l’esclavage et de scènes d’humiliation. La situation dans le désert en était la grande preuve.

Cependant, Moise insiste sur la mémoire de cette histoire troublée et éprouvante, car il y voit aussi les motifs de fidélité de Dieu envers le peuple. Le peuple est encore dans le désert. Il monte vers la terre promise à conquérir. Il y trouvera une vie calme et paisible. La nourriture y sera abondante et le confort assuré. Mais quand cela arrivera, Israël sera tenté d’oublier son passé et son histoire.

L’oubli est dangereux à plus d’un titre. Il mettra en mal la fidélité  envers celui qui est l’artisan de son présent de gloire. Il pourra également anesthésier le cœur et couper les fibres de toute sensibilité et de toute compassion envers ceux qui traversent les mêmes situations et parcourent les mêmes trajectoires que l’on a connues soi-même.

Le verbe « zakar », en Hébreu, que la traduction française rend par se souvenir ou rappeler, peut aussi signifier mentionner, conserver et invoquer. Selon les deux dernières acceptions, le peuple, en dépit des jours glorieux qu’il connaîtra dans le futur, devait continuellement et éternellement conserver toutes les précarités du passé, toutes les scènes de pauvreté, des humiliations, des tribulations et des épreuves endurées.

Cette recommandation de Moïse vaut tout son pesant d’or pour chacun de nous ici présent, car l’oubli ou le défaut de mémoire des repères et des origines peut dangereusement nous conduire dans des illusions et de fausses représentations de notre propre personne.

Il est utile de lire son présent avec les lunettes du passé en vue de projeter l’avenir. Mais aussi, en vue de réaliser que ce que nous sommes, nous le sommes par la grâce de Dieu et le concours des autres. Nous sommes les fruits de la bienveillance divine, mais aussi de la bonté de ceux qui ont soutenu nos pas et nous ont introduits sur les routes du monde : la famille, les enseignants, les encadreurs, l’Eglise, la communauté religieuse, etc.

Cette prise de conscience ouvre à l’humilité envers Dieu, source et principe de tout bien, et à la fraternité envers ceux qui nous entourent, particulièrement les démunis et les indigents d’entre nous. Quand on est investi par cette conscience, on ne se considèrera plus supérieurs aux autres. On ne vantera ni son avo ir, ni son pouvoir, ni son savoir, ni sa gloire. Par contre, on deviendra attentif aux uns et aux autres, et on leur accordera soutien et attention.

Il n’est pas toujours intéressant d’apprendre de malheureuses histoires de parents abandonnés et délaissés par leur progéniture. Il est écœurant d’apprendre les récits de certaines personnes qui se désolidarisent complètement de leurs familles et qui laissent les leurs croupir dans la misère.

Il est triste d’apprendre qu’il y a certaines autorités qui étouffent des talents, découragent les exploits et démobilisent les dynamismes de leurs subalternes afin de les empêcher de gravir les échelons supérieurs.

Dans le milieu académique et scolaire, dans les milieux socioprofessionnels, ceux qui sont censés promouvoir les mérites et encourager les élans du progrès oublient facilement qu’eux aussi ont bénéficié des soutiens, des appuis, de la bienveillance et de la sympathie des autres pour devenir ce qu’ils sont.

Quand les écoles, les églises, les quartiers ou les structures qui nous ont formés et façonnés sont dans un état de délabrement, le devoir de  mémoire doit nous obliger à aller les réparer, à les renouveler, en guise de reconnaissance et de gratitude.

Dans l’Evangile Jésus s’identifie au pain qui constituait une alimentation de base dans son environnement immédiat.  Bien qu’il soit l’aliment de base et de grande importance pour les Juifs de cette époque, le pain reste périssable. C’est pourquoi Jésus attache à sa chair et à son sang, le qualificatif « vrai » : « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang, la vraie boisson. » Jésus est le bien suprême auquel doivent tendre toutes nos actions et nos entreprises.

Relevons aussi le fait que le pain est le produit d’un travail de longue haleine, d’énormes sacrifices. Pour l’avoir, il faut cultiver la terre, semer le blé, l’entretenir pour qu’il croisse bien, récolter, sécher, concasser, faire la pâte, cuire et passer par tant d’autres étapes que nous n’avons pas citées. Par ce fait, Jésus annonce que sa vie est un sacrifice pour l’humanité.

Bien plus, en dépit des efforts que le cultivateur peut consentir pour avoir le pain, ce dernier n’est agréable que quand il est rompu pour nourrir plusieurs personnes. On ne cultive pas le blé pour manger seul son pain, mais pour nourrir toute une communauté, toute une foule. Le pain doit etre pris, rompu, partagé et donné.

Tous ces verbes expriment ensemble la charité, la générosité, la sensibilité, le don et l’accueil. C’est ainsi qu’en instituant l’eucharistie, Jésus ne donna pas des pains entiers aux apôtres, mais des pains rompus en signe de partage de son corps pour nous rassembler dans l’unité voulue par son Père.

Cette solennité du Saint Sacrement nous rappelle que c’est Dieu qui nous donne la vie en abondance, et Il nous invite à donner également la vie aux autres. Ainsi, ce dimanche nous interdit de manger seuls notre pain. Ce dimanche nous interdit de fermer nos maisons à ceux qui sont sans pain, c’est-à-dire sans joie, sans soutien, sans moyen de scolarité, sans défense, sans voix.

Prions pour qu’à notre tour, nous devenions des pains pour les autres, c’est-à-dire ceux qui se donnent et travaillent pour le bonheur et le bien-être des autres. Que la liturgie de ce jour soit pour nous une occasion de renouveler notre attachement à notre Dieu et au prochain. Puisque nous communion à un même corps et au même sang, que nous devenions des missionnaires d’unité et de fraternité dans notre monde divisé. Amen.

 Crispin MBALA,sj

Presbytère du Sacré-Coeur

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